Honneur ce mois-ci à la plus célèbre des nébuleuses planétaires du catalogue de Messier, M 57 alias NGC 6720.

Que l’on soit débutant ou non, “l’anneau de la Lyre”, comme l’a surnommée son découvreur toulousain Antoine Darquier en 1779, est certainement l’incontournable objet de l’été pour tout amateur du ciel profond. Notez qu’elle est aussi visible une bonne partie de l’automne. Cette nébuleuse planétaire, comme toutes celles de ce type, correspond à une enveloppe gazeuse éjectée par une étoile en son centre arrivée en fin de vie. Distante de 2300 années-lumière, M 57 est un vestige vieux d’à peine 10000 ans, avec pour cadavre en son centre une naine blanche visible dans les grands télescopes d’amateurs. Pour tous ceux désireux de voir ou de montrer à leur public une étoile mourante, M 57 est un bon exemple.

Préambule
Les nébuleuses planétaires sont souvent petites. C’est le cas de M 57, mais elle est détectable aux jumelles ! Mais même avec des magnitudes parfois flatteuses par rapport à bon nombre de galaxies, ces nébuleuses ne sautent pas aux yeux dans les petits instruments grossissant peu, car leur petitessecomplique alors leur identification sur le fond étoilé. Dans le cas de notre nébuleuse, avec une magnitude de 9, elle est détectable dans des jumelles (!), mais avec une taille apparente de 1,5′ x 1′ (ce qui correspond à environ deux fois le disque de Jupiter). Ainsi avec un petit instrument, ce n’est rien d’autre qu’un gros point bien peu remarquable… Le repérage et l’identification de ces astres demandent très souvent de bien reconnaître leur champ apparent et de ne pas hésiter à grossir un peu pour leur faire perdre leur aspect de minuscule boule. Le passage faible grossissement – fort grossissement peut se révéler un peu délicat pour les plus débutants, surtout si la monture ou le tube de l’optique ne sont pas de bonne facture, à savoir peu stable. C’est le même problème lorsque l’on passe de la vision aux chercheurs à celui de l’oculaire. Heureusement, notre nébuleuse est sans doute l’une des plus faciles à repérer.

Comment la retrouver ?
Le point de départ est l’une des étoiles les plus brillantes du ciel, Véga, principale étoile de la petite constellation de la Lyre dont le dessin à l’œil nu de 8° x 2,5° est bien reconnaissable sous un ciel de campagne suffisamment noir et transparent. Sous Véga, ces quatre principales étoiles de magnitude 3 à 4 (?, ?, ? et ?) forment un parallélogramme facile à reconnaître. M 57 se situe entre les deux plus basses, à savoir bêta (?Lyr) et gamma (?Lyr); ces deux astres étant aussi les deux plus brillantes après Véga. Plus précisément, la nébuleuse se situe quasiment sur une ligne joignant ces deux étoiles, presque au milieu; il faut en fait viser un petit peu plus près de bêta. C’est tout ! Et quant on sait que ces deux étoiles de la Lyre séparées par 2° peuvent être vues dans un même champ à l’oculaire à faible grossissement, de l’ordre de 20 à 30 fois selon le type de l’oculaire, c’est dire que le repérage de M 57 est facile à l’oculaire !

Avec un petit instrument (jumelles jusqu’à 80 mm)
M 57 est déjà visible dans de classiques jumelles de 50 mm grossissant 10 fois, mais attention aux confusions, ce n’est qu’un très modeste astre ponctuel, peu reconnaissable parmi son champ environnant ! Les plus malins utiliseront un filtre sélectif du type Deep Sky ou UHC (Ultra High Contrast) pour la reconnaître par la méthode du clignotement (le « blinking »), tenu entre l’œil et l’oculaire ou bien devant l’une des jumelles (si le filtre est suffisamment grand). Dans une petite lunette de 60 ou 70 mm de diamètre grossissant une trentaine de fois, maintenant son petit disque diffus permet de la reconnaître aisément, même si elle est bien peu lumineuse.

Avec un instrument de moyenne gamme (de 90 mm jusqu’à 250 mm)
Avec une lunette de 90 mm, cette fois, M 57 montre assez bien son petit disque rond au même grossissement que précédemment, mais mieux, en grossissant jusqu’à une cinquantaine de fois, son aspect de petite bulle annulaire quasi ronde est déjà visible. Avec un télescope de 120 à 150 mm grossissant une centaine de fois, sa structure annulaire, moins dense aux anses, est vue sans ambiguïté.Avec un télescope de 250 mm grossissant 80 fois, M 57 est brillante et contrastée avec sa structure annulaire évidente, même en vision directe, tandis qu’en poussant à 140 fois avec ce même instrument, l’anneau un peu ovale est parfaitement défini, un peu moins dense aux anses. L’intérieur de l’anneau n’est pas noir. On note aussi la petite étoile de magnitude 13 proche du bord Est de M 57. L’utilisation de filtre avec ces instruments amplifie la luminosité et le contraste de cette nébuleuse, trop diront certains ! Mais les profanes apprécieront bien ce coup de pouce pour encore mieux la voir surtout sous un ciel un peu lumineux causé par la présence de la Lune ou un halo urbain.

Avec un télescope de 300 mm et plus
Encore plus évidente dans un télescope de 300 à 400 mm de diamètre, sa structure annulaire ovale est évidemment parfaitement visible. Les profanes pousseront leurs premiers cris d’admiration, tandis que les experts rechercheront des irrégularités dans son anneau et la fameuse étoile centrale, une naine blanche de magnitude 15, celle qui illumine l’anneau. Mais attention pour cela, ciel limpide sans pollution lumineuse et turbulence assez faible (pour grossir efficacement assez fortement) sont des paramètres impératifs… sans oublier d’avoir bien peaufineravant la collimation du télescope !L’avantage d’un ciel de montagne préservé est d’avoir plus de contraste et de tenter des observations un peu trop limites en plaine. Plus couramment, un télescope de 400 mm de diamètre grossissant au moins 250 fois, est un bon minimum pour voir la centrale.Percevoir une étoile d’une telle magnitude ne relève pas de l’impossible pour un observateur bien acclimaté à l’obscurité. Mais c’est sans compter sur la brillance presque gênante (!) de la nébuleuse, y compris en son centre qui est loin d’être sombre. Expérimentalement, elle paraît aussi difficile qu’une étoile de 1 magnitude plus faible. C’est dire le défi…

Et quoi d’autres ?
Tout aussi difficile visuellement que la centrale, recherchez la très faible galaxie IC 1296. Située à seulement 4′ d’arc au Nord-Ouest de M 57, cette lointaine galaxie spirale est parfois présente sur les clichés de la nébuleuse de la Lyre. Peu d’observateurs signalent l’avoir détectée visuellement. C’est seulement dans des conditions optimales qu’un observateur entraîné, en vision indirecte, peut la tenter avec une optique d’au moins 400 mm de diamètre. Elle a été vue par l’auteur, mais très difficilement sous un bon ciel de plaine, sous la forme d’une petite tache diffuse avec un centre plus dense.

Et pour les plus grands Dobson ?
Cette fois, la belle M 57 se révèle absolument superbe ! D’abord par sa brillance que l’on peut renforcer encore plus (!!) avec un filtre UHC ou OIII. Voyons cela par exemple dans un télescope de 560 mm : à 400-500x, ce bel et grand anneau ovoïde montre des structures dans l’anneau tant en densité qu’en épaisseur ;les anses sont plus épaisses et présentent des renforcements sur leurs contours intérieurs et extérieurs par endroits, comme des portions de double anneau ! Les pôles sont renforcés. Sans filtre en grossissant encore plus, la centrale est vue pratiquement en continu, si bien que l’on recherche la seconde étoile dedans que l’on voit de temps en temps ! Et dans un plus grand télescope ? Et bien on commence à voir des couleurs, la « bleu-verte » si classique pour les nébuleuses planétaires en visuel, mais aussi une nuance de couleur chaude sur sa bordure extérieure !

1. Carte de localisation de l’amas M 57

2. M57. Celestron C11 à F/D 10 et caméra CCD ST10XME.
Poses : 150 min en luminance, 40 min par filtre RGB et 160 min en Ha 13nm en binnin 2×2 . Le coeur est un mixage Ha et Luminance . Photo Christian Dupriez

3. M57. Rainer nous fait la démonstration que même un petit instrument est à même de révéler des structures particulièrement complexes. Dessin Rainer Töpler. Astrodessin Tome 2, p 454.

4. M57, l’anneau de la Lyre vue dans le T1M de Stallarzac Instruments en août 2012. Grace au calme de l’atmosphère et à la qualité du grand télescope, l’habituel “anneau de fumée” devient énorme, brillant, texturé et coloré. De fines structures se dévoilent. Desssin de Fred Burgeot Astrodessin Tome 2, p 440

L’auteur
Pratiquant l’astronomie en Anjou depuis plus de 30 ans, Alexandre Renou s’est spécialisé dans le visuel, en particulier les comètes (plus de 260 observées à son actif) et bien sûr le ciel profond (sa base de données contient plus de 5500 cibles décrites !). Cette passion l’a amené à animer des séjours astro et à observer dans des instruments de tous diamètres et de tous horizons (Alpes et jusqu’au Chili !).