Le tube optique Sky-Watcher EvoStar 150 ED Dual Speed

Proposer un tube apochromatique de 150 mm de diamètre à moins de 2 000 €, tel est le pari réussi par Sky-Watcher avec son EvoStar 150 ED ! De quoi faire rêver les amoureux des lunettes astronomiques, et plus largement les observateurs en quête d’un instrument de classe supérieure.

C’était à la fin de l’année 2003… Le fabricant sino-tawainais SYNTA créait la sensation avec la commercialisation de la première lunette astronomique ED à prix démocratique. Une 80/600 arrivée en France via les États-Unis sous la marque Orion, puis remplacée par sa version “européenne” Sky-Watcher, issue du même fabricant. C’est cette dernière qui allait s’imposer avec force auprès des amateurs. Nous étions alors à l’aube d’une ère nouvelle, celle de la prolifération des lunettes chinoises ED et Apo à des prix toujours plus compétitifs, et en progrès constant sur les plans de la finition et de l’ergonomie. Quant aux évolutions liées au diamètre, l’attente était forte pour les amateurs avertis… Une 100 ED fit effectivement son apparition, suivie bien plus tard par une 120 mm. Mais les diamètres encore supérieurs restaient l’apanage des modèles haut de gamme proposés par quelques fabricants, souvent américains, japonais, voire chinois mais sur des modèles bien trop spécifiques aux tarifs de vente malheureusement très élevés. Quinze ans plus tard, Sky-Watcher répond à cette longue attente avec un modèle de grand diamètre à prix inespéré, qui risque de marquer lui aussi son époque.

Comment produire une 150 ED à 1 990 € ?
C’est toute la quadrature du cercle qu’a du résoudre le fabricant avec ce nouvel instrument… Hors de question en effet de produire une lunette à la correction chromatique moyenne, le cahier des charges stipulant la conception d’une optique de premier plan, c’est-à-dire avec une correction chromatique maximale, digne d’une véritable lunette apochromatique. Le choix dans la formule optique s’est donc porté sur un doublet intégrant une lentille en verre à faible dispersion ED, mais au rapport F/D moyen de 8 (focale 1 200 mm), permettant de limiter la montée du chromatisme mieux que le ferait un objectif plus ouvert. Les avantages d’un tel doublet sont aussi de réduire les coûts de fabrication, de simplifier la conception de son barillet de maintien, son assemblage et sa collimation sur les chaînes de production. Mais Sky-Watcher est allé encore plus loin en diminuant les coûts liés aux éléments mécaniques, quitte à rogner sur l’ergonomie de l’ensemble : exit donc les tube massif, porte-oculaire raffiné, pare-buée rétractable et autres colliers et platine d’assemblage ultra rigides… L’EvoStar offre une finition qui rappelle sensiblement les premières fabrications de la marque, avec un tube en métal “basique” mais bien fini, un barillet de maintien de l’objectif classique non réglable par l’utilisateur, un porte-oculaire Crayford 50,8 mm non rotatif (mais toutefois équipé d’un microfocuser), un pare-buée fixe, et des colliers et queue d’aronde de fixation un peu justes compte tenu du gabarit du tube. Signalons tout de même qu’au moment où nous écrivons ces lignes le fabricant a dans ses cartons un modèle un peu plus cossu, qui sera normalement équipé d’un porte-oculaire de gamme supérieure, de colliers plus costauds et d’une queue d’aronde type Losmandy. Son prix de vente n’est pas encore connu mais il alourdira sans nul doute sensiblement la facture finale.

Solide monture impérative !
Le tube est livré dans une mallette particulièrement massive. Un bon moyen de protéger la précieuse optique des chocs éventuels durant les transports et manipulations, mais qui a aussi comme gros inconvénient de rendre la livraison moins pratique car effectuée sur palette uniquement, et de gréver considérablement le poids de l’ensemble. Si le tube optique équipé de ses anneaux et queue d’aronde de fixation pèse moins de 10 kg, la balance affiche ainsi quelque 17 kg de plus avec la mallette ! Conséquence immédiate, le transport de l’ensemble par une personne seule est problématique : nous ne conseillons pas de soulever la mallette via sa poignée centrale d’origine, bien trop fragile, mais plutôt d’utiliser les solides poignées disposées aux extrémités de la valise (donc de faire appel à une tierce personne). De fait, l’amateur obligé de manipuler seul le matériel devra la plupart du temps en passer par un bricolage maison, poignée centrale renforcée, sangle épaisse, ou bien tout simplement zapper la valise pour ne porter que le tube. Côté accessoires livrés en standard, hormis donc la fameuse mallette, le bilan est maigre, le fabricant préférant une nouvelle fois « tirer » sur les coûts plutôt que de proposer un tube complet (il est vrai que cet instrument s’adresse en particulier aux amateurs déjà équipés). On retrouve donc uniquement les anneaux et queue d’aronde de fixation au standard Vixen, un adaptateur photo qui se visse en lieu et place de la bague porte-oculaire (M48), et une bague de réduction 50,8/31,75 mm. Inutile de chercher fébrilement dans le carton oculaires, renvoi coudé ou chercheur, tout ce beau monde étant optionnel. Sur le terrain, il est impératif d’installer le tube sur une solide monture… A titre d’exemple, pour le visuel et l’imagerie planétaire, nous l’avons installé sur une ancienne monture Vixen SP-DX fixée sur un trépied acier renforcé ; l’équivalent peu ou prou d’un modèle qui se situerait entre une HEQ5 et une EQ6. Dans ces conditions, nous n’avons pas eu de réels problèmes liés à un manque de stabilité et/ou de rigidité de l’ensemble. En revanche, pour l’imagerie du ciel profond avec des poses longues, cette installation s’avère trop légère, une monture de type EQ6 semblant être le minimum pour une utilisation sérieuse de l’instrument.

Manipulations sur site et premières observations
L’EvoStar impressionne avec son grand diamètre et ses 129 cm de longueur ! Heureusement ce tube n’est pas très lourd si bien que son installation sur une monture demeure assez facile à exécuter. Est-il besoin de préciser que cette dernière se doit de posséder des pieds suffisamment haut ? Sous peine d’observer au ras du sol et d’éprouver de réelles difficultés de pointage lorsque les cibles célestes se situent haut dans le ciel ! Une fois ces quelques problèmes solutionnés, l’amateur équilibre facilement l’ensemble par translation du tube dans son collier, même si le centre de gravité “penche” nettement vers l’avant du tube. Heureusement la mise en place d’un (gros) chercheur, d’un renvoi coudé 50,8 mm et autre oculaire permet de rééquilibrer plus harmonieusement l’ensemble. Il est en revanche dommage qu’aucune poignée ne soit proposée près du porte-oculaire, une solution rencontrée chez d’autres fabricants qui a le mérite de faciliter les orientations du tube en pleine nuit. Le porte-oculaire, enfin, est d’autant plus précis qu’il dispose d’un microfocuser et que le shifting est particulièrement bien maîtrisé. Toutefois, nous avons constaté un point dur dans sa course ainsi qu’un léger décalage de la mise au point au moment de serrer la vis de blocage de sa translation ! Autres points négatifs, il ne dispose d’aucun système de rotation sur lui-même et reprend l’ancien système de serrage à deux vis sous dimensionnées de la marque, peu efficaces et qui marquent immanquablement les douilles des accessoires 50,8 mm fixés dedans.

Une belle claque sur la Lune !
C’est une terrible frustration que de disposer durant de longues semaines d’un instrument performant en planétaire, sous un ciel la plupart du temps dégagé, aux nombreuses planètes joliment alignées durant toute la nuit, mais à des hauteurs peu favorables à l’obtention d’images visuelles stables ! Jupiter étant devenue trop basse, nous avons tout de même tenté notre chance sur Saturne et Mars pour saisir tout le potentiel de la lunette en planétaire… La planète aux anneaux a montré un globe joliment dessiné accompagné d’une bande assombrie et de différences évidentes de densité dans ses teintes. La division de Cassini était souvent à la limite d’être visible dans sa totalité. Hélas, comme pour Mars qui a montré (seulement !) de beaux détails dans la région de Syrtis Major, la turbulence a toujours été là pour nous rappeler à l’ordre et nous empêcher de profiter d’images de haute volée… Et puis il y eut cette fameuse seconde partie de nuit où la Lune, proche du dernier quartier, affichait une insolente hauteur, renvoyant des images comme souvent seules les lunettes sont capables de fournir : contrastées, résolues, comme figées, pour tout dire splendides ! Dès la mise en place de notre Eudiascopique 35 mm (gr. 34x), nous avons compris que les moments à venir seraient spectaculaires, la Lune offrant une image lumineuse, contrastée et résolue, à l’évidence dépourvue de tout chromatisme. En poussant les grossissements, les barrières sont alors tombées laissant tout loisir de traquer le moindre détail de surface : 120x, 200x, 400x… Avec cette lunette l’image demeure linéaire, ne s’essouffle pas. Les ombres lunaires sont bien sombres, la résolution maximale. Le chromatisme est parfaitement contrôlé. Seuls quelques vagues reflets bleutés apparaissent sur le limbe lunaire et dans les zones de transitions clair/sombre près des cratères. A 400x le cratère Clavius est un enchantement, révélant de façon impressionnante ses micro-craterlets et légères rides. Et que dire du grouillement des sommets autour de la Vallée des Alpes ? Jusqu’au petit matin nous avons ainsi profité d’images de haute volée, quelle que soit la focale d’oculaire installée.
En ciel profond, la Sky-Watcher procure des images au piqué (contraste et résolution) globalement élevé. Avec un diamètre de 150 mm sans obstruction, la luminosité résultante de l’instrument est proche de ce que fournit un télescope Newton de 180/200 mm. Dans ces conditions et sous un bon ciel, l’instrument est très à son aise sur les objets moyennement brillants nécessitant un minimum de pouvoir séparateur (l’amas globulaire M 13 apparaît notamment fortement granuleux). Avec un oculaire 50,8 mm de longue focale à grand champ, les vastes étendues nébulaires plus faibles sont aussi agréables à observer : les Dentelles du Cygne, avec filtres UHC et OIII, montrent aisément leur forme torsadée et structurée. Les champs stellaires sont pour leur part des cibles de choix : avec un tel piqué à faible grossissement, les étoiles apparaissent comme autant de “têtes d’épingles” sur fond de ciel bien sombre, même si les plus brillantes d’entre elles sont légèrement déformées en bord de champ image. En revanche, si le chromatisme en visuel est très bien contrôlé (quelques reflets bleutés dans l’éclat des étoiles les plus lumineuses), les amateurs d’imagerie du ciel profond devront composer avec un chromatisme plus sensible, visible sous la forme d’un halo bleu profond autour des étoiles brillantes (voir encadré technique).

Nos conclusions
Une nouvelle étape vient probablement d’être franchie avec cette EvoStar 150 ED ! Avec elle il est dorénavant possible d’acquérir un réfracteur de grand diamètre performant, à un tarif de vente inespéré compte tenu des prestations offertes. Une réussite rendue possible par son objectif ED à la formule optique classique, mais efficace car très bien corrigé du chromatisme en visuel, capable de fournir à l’observateur des images de haut niveau sur les cibles souvent privilégiées des lunettes, planètes et Lune en tête. Les amoureux des réfracteurs vont être aux anges, qui plus est si pour eux l’imagerie sous toutes ses formes n’est pas une priorité. Les autres ne resteront sans doute pas de marbre devant la qualité des images qu’elle est capable de fournir. Reste donc comme principaux écueils ses poids et encombrement, qui nécessitent pour être parfaitement exploitée une monture bien dimensionnée et de qualité.

Remerciements à Optique Unterlinden et Airylab.

Nous avons aimé :
• enfin une 150 ED à prix démocratique !
• les très bonnes performances optiques générales,
• le poids relativement modéré du tube seul,
• la valise de transport très efficace.

Nous avons moins aimé :
• le tube encombrant (F/D 8 oblige),
• la correction chromatique imparfaite en imagerie,
• le porte-oculaire non rotatif et nettement perfectible,
• la valise de transport très efficace certes, mais aussi contraignante (poids et gabarit),
• la nécessité d’une monture solide,
• le faible nombre d’accessoires livrés en standard.

L’EvoStar 150 ED était attendue par beaucoup d’amoureux des lunettes astronomiques ! Ces derniers peuvent dorénavant acquérir un instrument de classe sans pour autant vider leur compte en banque. Livré avec peu d’accessoires, nous avons complété le tube avec un chercheur 9×50 et un renvoi coudé 50,8 mm haute réflectivité.

Voilà donc la pièce maîtresse de l’EvoStar, un objectif composé de deux lentilles dont une en verre ED. Avec un rapport F/D moyen de 8 pas étonnant que les résultats en visuel soient très bons, avec une correction chromatique efficace. Sa mise en température peut être toutefois un peu longue. Le pare-buée (efficace) qui le coiffe est malheureusement fixe.

Le barillet de maintien du doublet est de conception assez basique mais n’entraîne visiblement pas de contraintes mécaniques. Il n’est pas réglable par l’utilisateur (vis de réglage protégées par de la feutrine épaisse).

Le porte-oculaire offre le double coulant 50,8/31,75 mm. Son microfocuser est efficace même si, du fait du rapport F/D assez long, l’amateur aurait pu s’en passer. En revanche, aucun système de rotation n’est proposé (embêtant sur site lors des séances de pointage tous azimuts) et la vis de blocage de la translation entraîne (bizarrement) un décalage de la mise au point. Dernier point qui fâche : Sky-Watcher a repris le principe des deux petites vis de serrage des accessoires, bien trop petites et mal pratiques.

Les anneaux de fixation sont basiques et manquent un peu de rigidité une fois serrés. Les amateurs en quête d’une mécanique supérieure pourront toujours s’orienter vers la version « Plus » de l’EvoStar, qui devrait être équipée d’anneaux plus solides associés à une platine de type Losmandy.

La lunette est livrée avec adaptateur photo à visser en lieu et place du porte-oculaire d’origine. Il doit être complété par une bague T2 filetée en 48 mm.

Le réducteur de focale et correcteur de champ optionnel (230 €) est d’autant plus efficient que l’optique présente à la base peu d’aberrations hors axe. Deux options sont possibles pour son installation en sortie de porte-oculaire : un vissage en lieu et place de celui-ci ou bien une adaptation classique au coulant 50,8 mm (bague livrée avec).

Les performances d’ensemble de cette lunette apparaissent très bonnes. Le chromatisme en particulier est faible en lunaire. Sur l’image couleur ci-dessus  on ne constate aucune frange colorée. Durant nos tests, nous avons pu profiter d’images exceptionnelles de notre satellite, notamment de la région de Clavius saisie ici à l’aide d’une caméra Celestron NexImage 5 derrière une lentille de Barlow Celestron Ultima (100 images additionnées).